![]() |
Quelques Grands Traits de l'Ancienne Famille Africaine |
Le terme famille est polysémique. Levis-Strauss a souligné que autant "toutes les religions ont leurs schismes" autant le sujet de famille oppose les érudits. "Amthropologues et sociologues de la famille se séparent en deux sectes rivales incluant respectivement les verticaux et les horizontaux".
Les "verticaux" pensent que "la famille est un agrégat de familles élémentaires, chacune formée par un homme, une femme et leurs enfants". La famille élémentaire qui repose sur un fondemant biologique et psychologique est la "pièce de résistance de toute organisaion sociale". Les adeptes du "dogme horizontal" admettent que "chaque famille provient de l'union de deux autres familles" ou du moins de leur éclatement. Ce qui présente la famille dans son sens large. Cette dualité étant inhérente à l'institution familiale, on se rend compte que l'Afrique n'en est pas en reste. Toutefois dans les sociétés qui constituent notre étude à savoir les Boulou, les Banen et les Matakam ; la famille est perçue dans un aspect pluriel et ce, de manière graduelle. On part de la famille élémentaire ou nucléaire (nda bôt, gay, nikul) ensuite le lignage (mvog, godar) et le clan (ayoň, gwali).
Du point de vue historique, la vie sociale des Africains fait état de la famille élargie. C. Coquery-Vidrovitch souligne d'ailleurs que la famille était non nuclaire mais "un ensemble large" c'est-à-dire un "groupe d'individus qui se reconnaissent comme descendants d'un ancêtre commun connu" et cette famille élargie avait "intégré au fil des générations un nombre élevé d'alliés sociaux dont les descendants faisaient à leur tour partie de la famille : enfants et adolescents confiés en gage, adoption, esclaves, dépendants etc". Face à cette conception plurielle de la famille, notre étude insiste beaucoup plus sur la famille élémentaire qui constitue la base de toute organisation sociale. En présentant l'autorité de l'homme, le principe de respect et la question de leadership, il nous est plausible de voir comment se présentaient les relations interindividuelles qui donnent valeur à la famille africaine.
L'Autorité de l'Homme
L'autorité de l'homme se manifestait selon les types de sociétés. Le premier élément qui témoigne de cette autorité c'est la tradition. En effet dans les sociétés patrilinéaires, la tradition prévoit que l'homme soit le chef de la famille et à travers ce titre, il acquérait une certaine autorité qui marquait sa différence avec les autres membres de la famille qui faisaient allégeance.
Chez les Matakam, cette place de l'homme se voit à travers l'ordonnancement même du lieu d'habitation de la famille où l'homme tient sa case au centre du "Gay" et commande le passage : "pour entrer comme pour sortir, les femmes et les enfants doivent passer par la sienne" ; il est donc le centre de gravitation de la constellation familiale. Cependant, l'autorité de l'homme va s'accroître et s'enraciner dans les familles avec l'arrivée des Européens.
En effet, la colonisation semble avoir joué un rôle prépondérant dans l'affirmation de l'autorité de l'homme à travers la grande révoluton qu'elle a entrainée tant sur le plan économique qu'administratif voire même politique.
Chez les Boulou, les Allemands ont procédé au regroupement des familles (nda bôt) autour des routes ou axes commerciaux tout en conférant l'autorité aux aînés (mintol mi bôt) chargés de diriger la famille et prendre des mesures inhérentes aux besoins des occidentaux. En plus de ce regroupement des "menda me bôt", l'introduction des cultures d'exportation (cacao, café), de la monnaie, le développement des échanges, vont aussi conférer à l'homme un pouvoir accru en soumettant femmes et enfants afin de répondre aux besoins des nouvelles conditions instituées par la situation coloniale qui a entraîné l'éclatement de la grande famille et le bouleversement des rôles traditionnels. Ainsi les nouveaux rôles, selon Marie-Paule de THE, "tournés vers l'extérier vont conférer <à l'homme> un prestige et une autorité accrus et incontesté".
Par ailleurs, l'autorité de l'homme dans la famille semble avoir eu des repercussions asez particulières notamment dans les relations homme et femme (s) et homme et enfants. Les relations entre époux sont tout à fait différentes suivant les cas. Dans pas mal de sociétés, l'homme s'est érigé en véritable patron, ce qui fait que de prime abord, on évoque le mauvais traitement des femmes.
Chez les Boulou par exemple tous les moyens devaient être réunis pour que l'homme soit à l'aise et cette tâche revenait à la femme. Par exemple lors des voyages qui se faisaient généralement à pied et à de longues distances, c'est la femme qui portait toutes les charges. Sur le lit conjugal notamment, l'homme se couchait devant, près du feu pour se réchauffer dans l'indifférence totale de l'état ou de l'envie de sa femme. En revanche, dans les familles monogames, les relations ont été quelque fois paisibles.
Dans certaines familles Banen, l'homme n'avait à se préoccuper que de la préparation des terrains nécessaires aux champs que fait sa femme, s'occupait de l'entretien de l'habitation, exploitait les palmiers à huile et entretenait ses cacaoyers. La femme quant à elle ne tenait qu'à ses enfants et ses champs, préparait la nourriture et parfois entretenait les hôtes de son mari. La situation des enfants étaient aussi allarmante dans les familles avec l'autorité de l'homme.
Selon Idelle Dugast "la spontanéité dans les relations affectueuses est beaucoup moins grande de père à enfants" d'où le manque d'intimité qui poussait les enfants à beaucoup plus s'attacher à leur mère. Pour les hommes, il fallait inspirer de la crainte. Ainsi, pensent-ils que "si nous (pères) causions avec eux (enfants) de choses et d'autres, si également nous les faisions manger à la même table que nous, très vite les enfants ne nous respecteraient plus, ils ne nous craindraient plus". Donc pour les hommes, leur autorité leur valait de l'estime et du respect. Chaque acte posé devait exprimer sa place prééminente.
Le Respect des Aînés et des Parents
Le respect a constitué l'une des valeurs primordiales dans les familles africaines. Bien que n'étant pas dans une certaine mesure mutuel comme il se devrait vulgairement de nos jours, le respect dans l'ancienne famille s'observait à l'égard des aînés, des parents et des anciens. Le respect était perceptible à travers certains aspects. Notons d'abord l'inviolabilité du droit d'aînesse.
Chez les Boulou par exemple, le droit d'aînesse était un droit inaliénable. Ceci se caractérisait par des interdits imposés aux cadets comme par exemple le mariage. Ainsi le cadet (ébetan) ne pouvait pas se marier avant son aîné sauf si ce dernier ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés mentales (akut).
Chez les Matakam dans les montagnes du Nord, l'aîné (tsuvaa) devait normalement se marier avant son cadet (Malpababa) et celui-ci ne pouvait le faire tant que son aîné ne l'aurait pas fait.
Chez les Banen, le respect (ulubun) était comme un devoir. Le fils devait le respect à son père et celui-ci lui inspirait de la crainte. Lors des rares occasion où le père tentait de causer avec son fils ou de partager le repas, ce dernier venait étant rempli d'une peur réelle. Certains gestes témoignaient aussi du respect. A quel moment il fallait peut-être baisser la tête quand un parent parlait ? A quel moment ne devait-on pas interrompre un aîné, un parent ?
Dans la société boulou, le fait de baisser la tête à l'endroit de quelqu'un était un signe de respect. Cela traduisait la soumission et l'humilité. Ainsi, il fallait éviter de regarder son père ou sa mère dans les yeux ou de leur fixer du regard. Aussi n'avait-on pas le droit de couper la parole à quelqu'un encore moins discuter des propos d'un parent. Parfois quand le mari parlait, la femme n'osait rétorquer, de peur d'être tenue d'irrespectueuse. L'objection était donc prohibée.
Chez les Banen, le fils devait le respect à son père et ce respect devait prouver l'inégalité qui existe entre les deux personnes. Ainsi lorsque le père invitait son fils à prendre un repas avec lui, celui-ci devait s'asseoir par terre aux pieds de son père et consommer le repas avec ses doigts afin de ne pas paraître l'égal de son père. Le problème d'égalité parait aussi être au centre de la question de leadership dans les familles.
Le Leadership
Le leadership ici nous permet de voir la position quelque fois dominante qu'occupait en droit ou en gestion chaque membre de la famille. Ce problème de leadership nous permet de nous demander si l'on peut parler de la liberté de la parole dans les anciennes familles, s'il y existait des droits ou sinon comment s'effectuaient les prises de décision.
Tout d'abord il covient de noter que vue l'organisation des familles, il existait des inégalités tant sur l'attribution des rôles que sur la considération même de chaque membre de la famille. Par ailleurs ce problème de leadership se pose dans les relations entre époux et entre enfants généralement de même père et de manière non superfétoire entre père et enfants. Entre les époux, les inégalités se faisaient voir dans les termes même du mariage. De ce fait seul l'homme avait le droit de divorce et de répudiation.
Il ne convenait donc pas à la femme de quitter son mari. Dans le cas contraire, elle avait des redevances à son mari. De plus les inégalités existaient aussi sur les droits sur les enfants. En fait, dès lors que le mariage était contacté, le père avait tous les droits sur les enfants : il menait les pourparlers pour le mariage de ses filles, appréciait celui de ses fils, décidait qu'une de ses filles ne se mariera pas.
Chez les Banen, il arrivait des fois où même après avoir répudié sa femme, l'homme continuait d'avoir la mainmise sur les enfants de sa femme issus après le mariage tant que la dot n'était pas remboursée. La femme quant à elle n'avait la parole que de manière informelle : elle pouvait donner son opinion sur un problème quelconque mais c'est à l'homme que revenait le droit de l'exprimer ouvertement et ce soit par amour pour sa femme soit par simple faiblesse. Ainsi la plupart des temps, les hommes prenaient certaines décisions parce que leurs femmes les leur intimaient. Ce qui renvoie en quelque sorte à ce vieux dicton "derrière un grand homme, se cache une grande femme".
Dans les relations entre frères, le problème de leadership semble aussi se poser mais à la différence ici qu'il régnait le droit d'aînesse. Mais qu'à cela ne tienne, chaque enfant agissait pour avoir le dessus sur les autres et plaire à son père.
Chez les Matakam par exemple, les pères avaient de l'estime pour les cadets qu'ils considéraient comme leur ami (Malpababa), il représentait son père en toutes occasions. L'aîné n'avait pas le droit de manger peut-être la viande en l'absence de son père avant que le cadet n'y ait touché avant lui. Cette estime pour les cadets parce que le père craignait que les aînés ne soient trop désireux de prendre leur place et précipiter ainsi leur mort. Ce qui faisait d'enx l'objet des interdits (dzah).
Dans les relations père et enfants, ce problème de leadership n'était pas trop accentué. Le père faisait tout pour exprimer sa place prééminente en se faisant craindre par ses enfnats qui voyaient en lui un être inapprochable et envers qui ils n'avaient le droit d'ojection.
Tout compte fait, la famille affricaine a connu ces caractéristiques propres fondées à n'en pas croire sur les devoirs. Mais si évident qu'il soit que la famille a des racines naturelles, on ne peut néanmoins ignorer sa présente altération. La revendication des droits et l'émancipation, contribuent à la disparition de l'autorité de l'homme et au respect, alors que la question de leadership se pose avec aquité. La famille étant la première cellule d'éducation, la base de toute organisation sociale, il serait impératif de reconsidérer la famille en définissant les rôles de chaque membre afin que puisse se rétablir cette harmonie d'antan et de nos jours dans un sens moderne pour que l'Afrique puisse se ressaisir et s'adapter dans le rendez-vous du donner et du recevoir.
|
||
Page d'Accueil | Copyright © 2011-2025, ngun.org | |
|