Accueil | Boulou | Cameroun | Contes | Photos | Culture Vive | |
Ainsi donc, le nom du clan Ndoñ, très nombreux et dont les membres sont dispersés dans les trois pays où se rencontre le peuple Beti, ce nom est né aux premiers jours du processus de migration du peuple Fang–Beti vers le Sud du continent, longtemps avant la traversée de la Sanaga. En effet, partis du Nord, probablement de l’Egypte ancienne, pour descendre vers le Sud–Ouest à la recherche de la mer, les Fang–Beti ont entrepris de traverser tous les cours d’eau à la source, c’est–à–dire là où le cours d’eau prend naissance, et où il est le plus accessible. C’est cette source d’un cours d’eau, appelée en plusieurs langues Beti–Fang « Ndôñ ôsôé » qui donnera son nom au clan Ndoñ. En effet, étant donné que leur progression se faisait par étape, pour permettre la mise en terre des cultures et leur récolte, ils s’établissaient le plus souvent au bord, mieux à la source du cours d’eau pour un accès facile à l’eau. Tous les enfants qui venaient au monde à cet endroit prenaient donc pour nom « enfant de la source » : « Mone Ndoñ ». Ceux–ci sont donc les ancêtres du clan « Ndoñ », que l’on appelle encore dans certains groupes beti : « Bekôé ». C’est le cas principalement chez les Mvae. Un autre nom encore utilisé aujourd’hui par presque tous les Beti, est celui donné au ruisseau : « otôñ » ou encore « ôtôtôñ ». En effet, pour ne pas se perdre, les Beti–Fang reçurent la recommandation de la part de leurs parents de toujours suivre les petits ruisseaux qui les mèneraient des rivières aux fleuves et partout à la mer. Le ruisseau était donc une sorte de « fil d’Ariane », pour tout Beti enfoncé dans la forêt ; il suffisait de le suivre pour accéder à un cours d’eau plus important. D’où sa signification littérale : « à suivre ». Et jusqu’à nos générations, les Beti–Bulu–Fang désignent le ruisseau par « ôtoñ » ou « ôtôtôñ ». L’origine du nom Beti–Fang du fleuve Nyong nous est également donnée par rapport aux déplacements migratoires des premiers Beti. En effet, dans leur déplacement, à travers la grande forêt, les ancêtres Beti remarquent une liane très longue, partant du sol, à la cime des arbres les plus hauts. Ils appelèrent cette liane « Nloñ ». Une fois parvenus au bord du fleuve Nyong, ils entreprirent de rechercher sa source, point le plus accessible pour traverser. Seulement, leur marche fut plus longue qu’ils ne l’avaient espéré. Sidérés par la longueur du fleuve, ils le baptisèrent Nloñ, par comparaison à cette liane très longue, partout présente dans la forêt ; cette appellation est encore d’usage aujourd’hui, aussi bien pour la liane employée pour la confection des corbeilles, des paniers, des lits…. Etc, que pour le « Nloñ » qui fut baptisé par les Occidentaux « Nyong ». Ayant traversé le Nloñ, le groupe qui continua vers le Sud rencontra une autre rivière très poissonneuse. Ils établirent tout naturellement des campements à la source de cet autre cours d’eau qui offrait une quantité énorme de poissons. Tous contents de ce que le « Créateur » leur avait donné des vivres en abondance, ils décidèrent à l’unanimité d’expier tout le mal qu’ils avaient jusque là fait. Ils organisèrent donc le premier rituel d’expiation de minsem (pluriel de nsem), autrement dit le rituel « So ». Cette même philosophie de donner des noms en souvenir de certains lieux concerne également les noms de personnes. Ainsi, le nom Ndongo ou Ndong très fréquent chez tous les groupes Beti aussi bien du Cameroun que du Gabon et de Guinée Equatoriale. Ce nom à l’origine était donné à tous les enfants nés lors des traversées des cours d’eau à leur source. Il est donc dérivé de la même réalité que le nom du clan Ndôñ ou Bekôé. Autre nom, autre signification ; le nom Ngema ou Nguema ou encore Njemba. Il est né du souvenir de l’un des faits les plus mystico–légendaires du peuple des « seigneurs de la forêt » : la traversée de la Sanaga. En effet, tous les groupes Beti s’accordent à reconnaître dans leur itinéraire de déplacement la traversée de la Sanaga alors appelée Yom. Celle–ci se fit, grâce à la présence divine d’un immense python dont la tête était enfoncée dans la fange sur une berge, et la queue sur l’autre berge. Cet énorme python, que les Beti anciens appellent « sauveur » envoyé par le Nkombot/Nkombodo (le Créateur) ou leurs ancêtres morts, pour « résoudre l’équation de la traversée », ce python sera appelé Ngañmeja ou Ngañ Medzaa. Sa disparition soudaine et définitive après qu’un imprudent lui eût piqué le dos d’une torche allumée convainquit les populations de l’intervention bienfaitrice de leurs ancêtres. Ils décidèrent donc de donner son nom à certains de leurs enfants, en son honneur. Ces enfants prirent donc le nom Nguema, Ngema, Njemba. Ainsi chaque fois que ce nom est donné à un enfant, il est un hommage vivant, le remerciement des Beti aux ancêtres qui leur ont permis de traverser le fleuve, échappant par là même à leurs assaillants qui les pressaient par derrière. Certains noms de personnes quant à eux évoquent des réalités de la vie quotidienne ; c’est le cas du nom Ayingono, donné aux filles. Il est né d’une situation où une femme ne fait que des garçons. Lorsqu’une telle femme venait à mettre au monde une fille, elle lui donnait le nom Ayingono pour signifier qu’elle a tant eu besoin d’une fille, qu’elle l’a tant souhaitée. C’est également le cas du nom Ntongono, donné aux filles premières–nées ou aux filles nées après plusieurs garçons. Rappelons que Ayingono est souvent donné aux garçons lorsqu’un couple ne fait que des garçons alors qu’ils éprouvent le besoin de renommer une femme défunte qui portait ce nom. Dans d’autres cas, des couples donnent des noms d’animaux sauvages à leurs enfants, lorsqu’ils ont eu à perdre leurs premiers enfants. Ceci pour éloigner le spectre de la mort. C’est ainsi que des noms comme Wo’o, Obam, Edou sont nés. Le nom Mbazoa ou Mbazogo ou Mbazo’o est né par référence à l’ivoire appelé « Mbangzog ou Mbangzok ». Ce nom est donné aux filles parfois pour rappeler la qualité précieuse de l’ivoire, qui s’étendrait sur l’enfant, ou alors pour rappeler une femme autrefois qui a été dotée par don d’ivoire. Quant aux noms de localités, certains évoquent des hauts faits de guerre, ou tout simplement des souvenirs. C’est le cas du nom Efoulan ; l’expression signifie : mélange, brassage. Ce nom rappelle donc des cas de brassage de population, des groupes Beti ou alors Beti avec d’autres groupes de personnes. C’est aussi le cas de Elat : « Union », « Unité », pour signifier l’union de groupes de peuples qui auparavant étaient désunis. C’est encore le cas de Awae qui signifie littéralement « repos » ; repos après une longue marche, après une longue période de guerre avec les peuples voisins, repos surtout pour se refaire les forces. C’est encore le cas du nom Ekombitié/Ekombité ; positionnement ou repositionnement en ordre précis avant la reprise des invasions à la « force des armes ou des lances » (Ngoulemekong) ; ou le cas de Nsimeyong ; marche du rassemblement, jusqu’à parvenir à la limite avec les autres peuples, ou alors jusqu’à établir la limite, la frontière avec les autres peuples : Nnemeyong ou Nyemeyong. En pays Beti, des exemples pareils existent abondamment ; tous les noms de lieux ont ou alors avaient une transcription en français : Mimetala : « les yeux regardent » ou encore Mebomezoa sur les traces d’éléphants, Nkol Emana : le mont ou la colline de l’injustice… En guise de conclusion, nous dirons que tous les noms, de lieux, de personnes, de cours d’eau, de choses, ont une signification et beaucoup d’autres évoquent des faits vécus ou légendaires du grand peuple de la forêt. Vivement donc que les jeunes générations attribuent à leurs enfants des noms évocateurs, chargés de sens, pour la préservation de notre identité. Et surtout que certains comprennent qu’ils portent des noms chargés d’histoire ; l’histoire du peuple beti–fang. |