Les Proverbes chez les Beti: leur rôle social
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Avant l'arrivée du blanc, le Beti ne disposait pas d'un
système d'écriture conventionnel qui puisse lui permettre de consigner les
réalités socioculturelles pour la postérité. La sagesse ou Feg beti est donc
transmise de bouche à oreille grâce à un système d'initiation bien
structuré tel que nous l'avons vu plus haut, parlant de la littérature de ce
peuple. |
D'une manière générale, le proverbe beti est conçu pour
communiquer une sagesse active.
En effet, pour le Beti, il existe deux types de
savoirs : celui qui est imposé par l'occident et acquis à l'école
européenne, détenu par ceux qu'on appelle les « intellectuels »
ou l' « Elite » ; et celui qui vient des
ancêtres : ce « feg beti », de sagesse séculaire, de
compétence pratique, de lucidité dans l'organisation socio–économique. C'est
ce savoir qui a d'abord permis la maîtrise du milieu et des hommes.
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Le proverbe qui est l’un des paliers par lequel nous parvient la sagesse ancestrale, vise à harmoniser les comportements individuels dans la société. Les proverbes apparaissent dès lors comme une collection de sentences servant de références aux membres d’un groupe d’hommes pour communiquer les préceptes essentiels à son organisation ou rétablir la communication lorsque celle–ci est menacée d’interruption. C’est donc dire que chez les Beti, les proverbes visent à instruire les membres de la société afin de mener une vie morale et conforme à l’éthique de la communauté. Par ailleurs, le proverbe fournit des réponses aux questions existentielles. Il peut être une thérapie contre l’inquiétude.
C’est ainsi qu’il sert à extérioriser les sentiments, tout en s’érigeant en instrument au service de la littérature engagée. Il est en même temps un objet d’esthétique langagier pour l’orateur autant qu’il aborde les questions sociales. Du fait de son expérience ancienne, le proverbe beti présente un corpus de pensées où chaque sujet peut se trouver dépeint et peut se reconnaître. Cette sagesse variée, brève, originale, riche d’expérience commune et parfois de résonnances personnelles défie le temps. Le proverbe beti jouit, autant que tous les autres proverbes d’une extraordinaire capacité de renouvellement de ses sujets et peut évoquer tous les grands problèmes de chaque époque..
En gros, les proverbes soulignent l’enracinement de chaque individu dans son milieu socioculturel. On peut donc dire que du fait qu’ils constituent des énoncés figés, les proverbes ont une portée pédagogique indéniable. C’est ainsi que certains proverbes sont des allusions à des situations historiques données et le nom de tel notable, de tel héros ou de son village est ainsi connu des générations plus jeunes. D’autres proverbes résument des contes et introduisent dans cet univers, où les animaux portent des travers et emploient des ruses des hommes : Kulu, la tortue.
Les proverbes beti offrent un réel intérêt : ils révèlent en effet le système de valeurs de ce peuple. Ainsi retrouve–t–on une conception très nuancée de la politesse et de la bienséance. On entend par exemple exalter l‘amitié, le courage, la générosité et l’ardeur au travail. Les proverbes sont par ailleurs une porte ouverte qui nous permet de découvrir la mentalité et le mode de fonctionnement de la société traditionnelle beti. Ainsi, le système d’autorité, les relations entre les vieux et les jeunes, le statut des serviteurs et des esclaves, la conception du mariage et des liens entre coépouses ou entre frères, les idées sur les femmes, le devoir des célibataires et des orphelins sont traités sur le vif.
En définitive, les Beti ou Fang–Beti occupent une grande zone qui va de la Sanaga Cameroun, au Gabon et Guinée Equatoriale. Dans la partie camerounaise, ils occupent les trois provinces méridionales du Cameroun que sont le Centre, le Sud et l’Est. Ils comprennent plusieurs ethnies divisées en tribus. Ils parlent une même langue, dont plusieurs dialectes et ont des traditions et une culture communes. Leur société est patriarcale. Avant l’arrivée du colon blanc, leur langue n’avait pas un système d’écriture conventionnel. L’œuvre des missionnaires catholiques et protestants a été déterminante dans le développement de cette langue, véhicule d’une si riche culture bantou. |